Marcelo Dascal

LEIBNIZ ET LES USAGES DIALECTIQUES DU LANGAGE*

Marcelo Dascal

Tel Aviv University

Outline of the Argument

 

  1. Objectifs philosophiques et scientifiques
  2. Il est bien connu que Leibniz declare souvent que le principal but de la science c’est le bonheur du genre humain. Tous nos efforts – scientifiques, philosophiques, et meme politiques doivent contribuer a ce but. Etant donne la magnitude de l’entreprise et sa complexite, elle depasse la capacite d’un seul individu, pour ingenieux, capable et infatigable qu’il soit. C’est une entreprise qui ne peut etre conduite que collectivement par les savants, de n’importe quelle epoque, pays ou discipline. Contrairement a Descartes qui croyait necessaire (et possible) de construire le savoir (ou du moins de le fonder) individuellement ab ovo, et contrairement a Malebranche qui pensait qu’il est inconcevable qu’une personne “qui a de l’esprit” s’appuie sur “l’esprit des autres dans la recherche de la verite” plutot que de le faire toute seule [citer Malebranche], l’entreprise philosophico/scientifique de Leibniz est concue essentiellement comme devant etre cooperative, etant donne les limitations de l’esprit humain [paper Rome]. Cela signifie, d’une part, qu’aucun grain de verite provenant de n’importe quelle epoque, pays ou discipline ne peut etre neglige [Eclectisme]; et d’autre, qu’il faut creer les moyens pour assurer la necessaire cooperation des savants.

  3. Obstacles
  4. L’accomplissement de ces taches se heurte, pourtant, a des grands obstacles. L’esprit de secte qui prevaut, meme dans la Republique des Lettres, empeche l’ouverture necessaire pour reconnaitre que la verite n’est pas le monopole d’un individu ou d’un groupe quelconque. Chacun se flatte de la posseder toute entiere et, soit de n’avoir pas besoin des autres pour l’avoir, soit d’etre sur que les autres ont tort et que leur vues doivent etre critiquees ou tout simplement rejetees. Les querelles qui s’ensuivent sont un obstacle encore plus grand, car, partant du presuppose que l’adversaire a tort, personne ne fait aucun effort meme pour bien comprendre ce qu’il dit ou quels sont ses arguments, sans mentionner le fait qu’il n’y a pas de methode pour les resoudre. Il y a aussi des obstacles d’ordre psychologique. Meme s’il y avait une methode sure soit pour comprendre les discours des autres, soit pour trouver avec certitude la verite, soit pour resoudre tous les differends, les hommes – soucieux de leurs petits interets individuels [citer Mersenne] et paresseux par nature [citer Pianese] – ne se donneraient pas le travail d’employer ces methodes pour avancer le bonheur commun.

  5. Moyens “externes” pour surmonter ces obstacles et assurer la cooperation

  1. Coercition. Une premiere voie a laquelle Leibniz pense est l’intervention directe d’un prince eclairé, soucieux du progres des sciences, qui contraindrait les savants a cooperer. [Recommandation?]
  2. Institutionalisation. Une autre voie, a laquelle il a consacre beaucoup d’efforts c’es la creation (surtout en Allemagne) d’institutions dediees a la recherche scientifique qui permettraient la cooperation entre les savants. Il elabore des projets d’associations volontaires ainsi que des projets d’academies soutenues par l’etat.
  3. Ressources adequates. Bibliotheques, archives, experimentation, connaissance des pratiques, en somme l’Encyclopedie leibnizienne [Primera Parte]. L’etalissement de ces ressources, il faut le noter, exige deja un degre considerable de cooperation des savants (ainsi que l’appui des princes).
  4. Insuffisance des moyens externes. Ces moyens “externes” sont utiles. Leibniz le politicien ne meprise jamais les conditions contextuelles et il a ete peut etre un des premiers penseurs a formuler une “politique scientifique” [Peter the Great]. Quoique necessaire, une telle politique n’est pas suffisante. Car on ne peut pas imposer des croyances [Juge des Controverses] et encore moins deraciner par la force (ou l’argent et les honneurs factices) des attitudes enracinees telles l’esprit de secte ou des habitudes individualistes de travail inntellectuel.

  1. Moyens “internes” pour surmonter les obstales et mener a la cooperation

  1. Valorisation de l’apport de l’autre:

    1. autre culture: la decouverte des chinois, etc. [One Adam]
    2. autre epoque: querelle Anciens/Modernes, renversement de la presomption cartesienne [Mendonça, Recommandation]
    3. autre individu: place d’autruy ethique et cognitif [Du Tort…]
    4. adversaire: n’est pas un ennemi mais un partner critique qui nous apprend beacoup; l’objectif de la confrontation critique n’est pas vaincre mais a la fois apprendre et convaincre [isto e Leibniz misturado com Dascal]

  1. Criteres pour une methode appropriee:

    1. utilisable par tout mortel: la critique de la “methode” cartesienne, le theme du filum, du raisonnement in forma, de la facilite d’application (qui surmonterait la paresse)
    2. s’insere dans la continuite dynamique du progres de la connaissance: le point de depart n’est pas zero, mais toujours in medias res; le double mouvement de l’analyse et de la synthese;
    3. permet l’integration du divers:
    4. permet la resolution des controverses:

  1. Methodes formelles

    1. Grace a Couturat et toute une tradition interpretative qui s’ensuit, ces methodes sont devenues, avec les biscuits, la denotation courante de la “marque deposee” ‘Leibniz’. Ce qui est moins connu c’est la reconnaissance par Leibniz lui-meme des insuffisances de ces methodes, d’ou son souhait constant de developper une “nouvelle logique” beaucoup plus vaste que la logique traditionnelle (a laquelle – dans son esprit d’integrer et developper tout type de savoir – il a lui-meme fait des apports importants, dont le moindre n’est pas l’effort de la formaliser) [De nova logica condenda?; Primera Parte?]
    2. Parmi ces insuffisances: logique traditionnelle n’inclut pas les inferences non-necessaires; difficultes d’achever l’analyse des concepts pour arriver a “l’alphabet des pensees humaines”; la formalisation exige l’interpretation ou traduction des enonces en langue naturelle, un processus qui n’est pas lui meme algorithmique [la trahison des logiciens]; par le fameux “calculemus!” aucune controverse veritable entre savants (pas un exercise scolaire de disputatio) n’a ete jamais resolue [les mensonges sur le cas Papin].
    3. Ces methodes ne s’appliquent rigoureusement qu’a certaines sciences, comme les mathematiques
    4. Ces methodes rigoureusement formelles sont censees contraindre l’intellect par la force des raisons (ce qu’elles ne reussissent pas toujours a faire) [modele “discussion”]. Mais il faut, en outre, persuader la volonte a accepter ces raisons pour qu’elles aboutissent a des actions rationnelles [probleme du syllogisme pratique; voir reponse a Clarke in “Balance of Reason”]. Pour cela il faut une raison “plus douce”.

  1. Methodes informelles

    1. “Blandior ratio”: pour que l’on puisse imiter dans d’autres sciences le modele mathematique, il faut que “la rudesse (asperitas) des mathematiques soit mitigee par une raison plus douce dans leur traitement (d’apres l’exemple des autres sciences), de telle sorte qu’a la fois on soit capable d’obtenir l’assentiment de la volonte et de satisfaire clairement l’esprit avide de raisons” (C 34).
    2. Cette blandior ratio est essentielle pour la valorisation de l’autre mentionnee dans le point a ci-dessus, ainsi que pour satisfaire les criteres iii et iv du point b.
    3. J’ai decrit et analyse ailleurs [Paper Berlin] l’etendue de cette “raison plus douce” et en ai donne des exemples.
    4. Ce que je ferai ici c’est montrer le role fondamental du langage dans la constitution et exercice des methodes (ou technologies) dont se servira cette blandior ratio, en accentuant l’usage dialectique du langage.

  1. Les langues naturelles comme ressource methodologique

  1. Langues comme indices historiques
  2. Mots comme voie naturelle et efficace d’indexation de l’Encyclopedie
  3. Langues comme instrument de communication scientifique
  4. Langues comme Miroir de l’esprit. J’ai souligne ailleurs ce role fondamental et generique du langage pour Leibniz [Particles, Langage dans la Maison de l’Esprit]. Un miroir non seulement “exterieur” (reflectif ou indicatif, comme chez Descartes ou Locke, mais constitutif, comme chez Hobbes.

    1. Leibniz va adela de la these simpliste et dangereusement “super-nominaliste” de Hobbes (raisonnement = calcul avec mots). Pour le raisonnement strictement logique il parle plutot de “caracteres” (= symboles formels), quoiqu’il parle aussi d’une “caracteristique verbale”. Mais pour d’autres formes de raisonnement, notamment celles qui concernent les inferences obliques, le role des particules est essentiel. Il va tres au dela de Locke dans son analyse des particules qui non seulement revelent les “operations de l’esprit”, mais les organisent et en font partie. Independance de la “grammaire rationnelle” par rapport a la logique (x Port Royal).
    2. Les definitions comme instruments d’analyse.
    3. Metaphores et allegories comme instruments cognitifs. Essentielles pour le raisonnement analogique dans ce qu’il a d’informel et ne peut pas etre reduit a des analogies structuturelles mathematisables. Le simile mots-rechenpfenige [Language and Money]. L’allegorie de la maison avec l’accent sur l’antichambre, qu’il repete ailleurs [Langage dans la maison de l’esprit]. Les metaphores centrales de la metaphysique, comme celle du point de vue. Connexion avec raccourcis en perspective et “la place d’autruy” [ver folha branca]. Marras et Rutherford en parleront plus.

  1. Hermeneutique.

    1. Explicitement mentionnee dès le Nova Methodus. Essentielle pour la logique juridique (interpretation et application des lois) [De legum].
    2. Interpreter l’autre dans son contexte [Place d’autruy]. Interpreting the person, not only his words [De legum].
    3. Besoin de “depouiller” les textes pour en trouver le sens et les informations utiles pour l’Encyclopedie.
    4. Comprendre bien, avant de les critiquer, les positions des adversaires dans les controverses.
    5. Essentielle pour l’interpretation des Ecritures et la resolution des disputes religieuses [Commentatiuncula #5 ff.: Textualists and Rationalists. Is Leibniz a “mixed” (#4)?]
    6. Possibilite de “sens disjonctif ou confus”, grace a l’usage de LN, essentielle pour justifier les mysteres [Commentatiuncula #20ff.].

  1. Dialectique

    1. Topica, loci communes comme instruments d’invention
    2. La possibilite de “croire sans comprendre” (item f-vi) devient la piece fondamentale de l’argumentation x Bayle dans la Theodicee, au moment ou elle est combinee avec l’asymmetrie du onus probandi dans un debat [Reason and the Mysteries of Faith].
    3. Argumentation a partir de la position de l’adversaire comme moyen efficace de persuasion rationnelle [Pianese; Place d’Autruy]
    4. Qu’est-ce que renverser une presomption? Comparer le cas x Descartes avec le cas du “Discours preliminaire sur foi et raison” [Materiais reunidos para Bruxelles].
    5. Le juge des controverses comme un reformulateur actif [Des Controverses]

FINALE:


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* International Conference on "Leibniz et les puissances du langage", Université de Rennes I, March 2002.